La Ruche Vanier
Mission
de la Ruche Vanier
La mission de la Ruche Vanier est de favoriser l’amélioration de la qualité de vie et le développement du pouvoir d’agir des citoyens et citoyennes de Vanier et d’abord des personnes et des familles en situation de pauvreté et d’exclusion sociale.
Le Quartier nourricier de Vanier : une initiative mise sur pied par et pour la communauté
Entrevue avec François Labbé, directeur général de la Ruche Vanier
Mission
de la Ruche Vanier
La mission de la Ruche Vanier est de favoriser l’amélioration de la qualité de vie et le développement du pouvoir d’agir des citoyens et citoyennes de Vanier et d’abord des personnes et des familles en situation de pauvreté et d’exclusion sociale.
François Labbé est arrivé dans le milieu communautaire un peu par accident. Titulaire d’une maîtrise en histoire, son premier mandat a été d’élaborer du matériel pédagogique en alphabétisation populaire. Défenseur de valeurs et de principes tels que la justice sociale, la liberté, la solidarité, l’engagement citoyen, le développement local et durable, il y travaille maintenant depuis 23 ans. Rien ne le motive plus que de voir des démarches de citoyens s’organiser pour créer un comité de verdissement, contrecarrer un projet insensé dans un quartier ou mettre sur pied un jardin pédagogique dans une école primaire.
En 2017, à la suite de la fusion de la Table de concertation locale dont il en était le coordonnateur et de l’organisme communautaire la Ruche Vanier, François Labbé est devenu le directeur général de la Ruche Vanier.
Comment décririez-vous la nature des actions de la Ruche ?
La Ruche est un organisme communautaire autonome né il y a 44 ans, à l'époque où le quartier Vanier était une toute petite municipalité. Sa vocation a toujours été de lutter contre la pauvreté dans une stratégie de développement communautaire.
Actuellement, la Ruche œuvre dans 2 champs d'action : les services directs offerts aux personnes et aux familles (aide alimentaire, aide matérielle, clinique d'impôts, activités de formation et de sensibilisation) et le développement des communautés (chantier de mobilisation citoyenne, projet de quartier nourricier, création d'une maison de quartier…).
Une douzaine de personnes travaillent à temps plein dans cet organisme dont les membres sont à la fois des citoyens et des organismes communautaires. L'ensemble de l’infrastructure communautaire du quartier a d’ailleurs été créé à l’initiative de citoyens regroupés au sein de la Ruche Vanier : La Butineuse de Vanier, Alphabeille Vanier, Ressources Parents Vanier, la Maison des Jeunes La Parenthèse, le Jardin communautaire et collectif de La Rosée, la Société culturelle de Vanier et les deux CPE du quartier.
Nos partenaires disent que la Ruche agit comme un chef d’orchestre dans le quartier. Ils comptent sur notre organisation pour rassembler et mobiliser les partenaires et les citoyens autour de projets qui visent à améliorer le quartier. Nous avons une mission claire d’intervention sur la communauté, et donc une approche territoriale afin que les habitants du quartier vivent dans une communauté de qualité.
Pouvez-vous nous expliquer ce qu'est le Quartier nourricier Vanier?
Vanier est un quartier fortement défavorisé. Une part non négligeable de sa population souffre d’insécurité alimentaire. Face à ce constat, un organisme partenaire (La Butineuse de Vanier) qui siégeait au comité sécurité alimentaire a évoqué l’idée d’un quartier nourricier pour intervenir de façon plus structurante. L'idée s’inspirait d'une initiative dans le quartier Centre-Sud de Montréal, Notre quartier nourricier.
Alors que nous étions dans un quartier très urbain, nous avons eu cette idée un peu folle de produire des légumes biologiques localement, de les distribuer, de les transformer, ainsi que de faire participer les résidents, familles, jeunes et moins jeunes au projet.
Nous faisons pousser des légumes dans nos potagers communautaires et dans nos serres. Ensuite, nous distribuons les récoltes dans le quartier, aux familles qui fréquentent les écoles participant au projet, à différents organismes et à ceux que nous nommons « les jardiniers solidaires » qui s'occupent des jardins durant la fin de semaine. Enfin, nos partenaires, qui disposent de cuisines, transforment les surplus des potagers, voire de Moisson Québec.
Lorsque la production sera suffisante, nous pourrons envisager de vendre notre récolte ainsi que des produits transformés, comme des pestos, qui deviendraient les produits signature du quartier nourricier Vanier. Leur vente représenterait une source de financement pour nos projets et nous permettrait de former des jeunes, et des moins jeunes, en entreprenariat.
Que disaient les indicateurs en sécurité alimentaire ?
Ces dernières années, nous nous sommes rendu compte que même les organismes dont ce n'est pas la mission, comme les CPE ou la Maison des jeunes, devaient mettre en place des interventions liées à la sécurité alimentaire dans le quartier.
Les besoins sont importants, mais nous n’avons pas les outils pour les mesurer. Lorsque nous avons travaillé sur notre planification stratégique en 2018 avec l'ensemble des partenaires, nous avons cherché en vain à obtenir des indicateurs clairs sur le sujet. Nous nous sommes alors basés sur les observations des intervenants et des intervenantes. Ainsi, chaque année, entre 800 et 900 personnes différentes viennent demander de l’aide alimentaire à la Ruche seulement. C’est beaucoup dans un quartier qui compte 13 000 habitants.
La pandémie n’a fait qu’exacerber le phénomène et elle aura probablement des effets à long terme. Nous avons vu arriver beaucoup de résidents du quartier qui n’avaient jamais eu recours à l’aide alimentaire. Beaucoup de familles ont l'air de bien aller, mais leur situation est précaire et peut vite s’aggraver. Quand on parle d'insécurité alimentaire, on touche un sujet qui est encore un peu tabou. C'est difficile d'admettre qu’on n’arrive pas à se nourrir convenablement.
Quelles sont vos aspirations?
L’équipe souhaiterait que, d’ici quelques années, le Quartier nourricier soit une structure autonome et pérenne, portée par ses gestionnaires et par celles et ceux qui l’animent. Nous aimerions que l’initiative soit prise en charge par la communauté - pas seulement par les organismes, mais aussi par les citoyens – et que les jeunes, qui ont grandi avec, continuent de s’y impliquer comme jardiniers.
Nous sommes actuellement dans une phase d'expérimentation. Nous voulons améliorer notre capacité de production en développant plusieurs zones de production (serres et jardins), redistribuer à plus de familles et bonifier notre capacité de transformation alimentaire. Cela nécessite d'avoir des cuisines bien équipées dans le quartier et de fonctionner en réseau.
Nous avons pensé à plusieurs possibilités pour augmenter notre capacité de production. Hydro-Québec possède dans le quartier un grand espace vert inutilisé en ce moment. Nous faisons des démarches auprès de la Ville de Québec et d’Hydro-Québec pour acquérir ou louer à long terme ce terrain qui pourrait servir à de beaux projets communautaires. Nous pourrions y faire de la production, du verdissement ou de la restauration écologique.
Vanier est aussi un quartier où beaucoup de stationnements commerciaux sont sous-utilisés. En récupérer une partie pour les verdir serait une autre possibilité.
Quels sont les partenaires clés de l'initiative?
Pour que les résidents de Vanier s’approprient le projet, nous étions conscients qu’il fallait travailler avec les jeunes et les familles. En 2020, en pleine pandémie, nous avons donc rencontré l’ensemble des organisations travaillant avec les jeunes, y compris les écoles. Avec beaucoup d’enthousiasme, celles-ci nous ont proposé leur terrain et leurs équipements. Les enseignants et les éducateurs des services des garde se sont montrés intéressés. Nous ne nous attendions pas à cet engouement !
Cette année, on en est à notre 2e saison à l’École Sans-Frontière. Les jeunes et leur famille ont aussi démontré un grand intérêt. L’été, des familles viennent s’occuper du jardin. Nous avons besoin d’elles ainsi que des organismes communautaires et des voisins pour entretenir les jardins et pour s’assurer qu’il n’y ait pas de vandalisme. D’année en année, on voit croitre cette solidarité. Le jardin de l’École est bien plus qu'un jardin dans une école. C’est aussi un jardin pour la communauté.
À l’École secondaire Vanier, les jeunes ont aussi fait preuve d’enthousiasme. Après que l’école a mis aux normes sa cuisine pour sa cafétéria, ils se sont impliqués. Plusieurs d’entre eux viennent aider au service tous les midis. Les parents nous disent qu’ils sont heureux de participer au projet et de rentrer à l’école tous les jours.
Que recommanderiez-vous à des territoires qui veulent se lancer?
Au départ, nous pensions qu'étant donné la taille du quartier Vanier (13 000 habitants), ça allait être simple, mais cela ne l’a pas été.
Avant de se lancer dans un projet de cette envergure, il est essentiel de s’assurer de bien arrimer les choses. Parler de production, de transformation, de distribution, de formation, d’éducation et de concertation, c'est complexe et on doit s'attendre à des enjeux de gouvernance. Il faut se demander quelles sont les opportunités existantes dans le territoire et surtout s’attarder sur la question du partage des responsabilités en ce qui a trait à la gestion, au financement, à la mobilisation des citoyens.
Un quartier nourricier, c’est une initiative qui rallie plusieurs partenaires communautaires avec une diversité de points de vue. Il est donc important d’avoir une compréhension commune du projet et de ce que cela suppose. Il se peut que des partenaires présents au début quittent le projet, mais que d’autres s’ajoutent.
Et puis, l'équipe doit pouvoir compter sur des gens capables de concrétiser les choses et à l'aise avec cette complexité. D’un autre côté, il ne faut pas attendre d’être prêts à 100 %. Nous étions prêts à expérimenter. Nous n’avions pas toutes les réponses, mais le nécessaire suffisant pour nous lancer. Ça nous a réussi, et j’espère que cela va réussir à d’autres. Je pense que c'est important que l’ensemble des partenaires soient d’accord sur le fait qu’il faut oser expérimenter, se permettre d'apprendre de nos erreurs et de nos bons coups aussi. On s'est réellement trompés à quelques reprises, mais à chaque fois, on en a tiré les leçons. Une salade verte, ça ne reste pas trois jours dans un frigo !
Enfin, la concrétisation d’un quartier nourricier ne peut se faire sans entraide ni solidarité. Ces valeurs doivent être au cœur du projet et portées par les résidents qui, nous l’espérons, seront aux commandes du quartier nourricier dans 5, 10 ou 15 ans.
Quelles retombées observez-vous ?
La première retombée à laquelle je pense concerne les écoles. Pendant très longtemps, elles n’ont pas du tout été impliquées dans nos travaux de concertation. Aujourd’hui, elles le sont. Elles revendiquent leur participation au Quartier nourricier et continuent de faire leur propre développement à l’interne.
L’autre impact, c’est l’appropriation par la communauté. Les familles s’impliquent en dehors des périodes scolaires.
Ce projet fait de nous un acteur incontournable dans le quartier. Nous sommes vraiment positionnés comme une initiative innovante dans le quartier Vanier qui, au fur et à mesure qu’elle se développe, attire de nouveaux partenaires.
Dans les mois à venir, nous aimerions entamer des travaux d’évaluation notamment sur le volet distribution.
Qu'a apporté le Quartier nourricier aux familles pendant la pandémie?
Les jardins ont eu un impact positif sur la population. Je pense que cela a beaucoup aidé les gens à décompresser. On l’a surtout constaté avec les personnes plus âgées, souvent seules. Les activités offertes à l'extérieur aux familles ont eu un effet de protection en ce qui a trait à la santé mentale. En même temps, nous devions faire attention de ne pas devenir des foyers d’éclosion.
Nous le savions déjà avant, mais la pandémie a mis en évidence le problème d’insécurité alimentaire dans le quartier. Malgré leur travail, certaines personnes se retrouvent, parfois, dans une situation précaire et à deux doigts d’avoir recours à nos services d'aide alimentaire.
Avec nos partenaires, nous avons aussi constaté que notre habitude de travailler ensemble sur le Quartier nourricier nous a aidé à offrir des services durant la pandémie. Des écoles nous ont fait des dons en argent et de nourriture. Plusieurs partenaires communautaires, des profs et des élèves de l'école secondaire sont venus bénévolement distribuer de la nourriture.
Le mot de la fin...
Parlez-nous d'initiatives qui vous paraissent inspirantes!
Nous avons puisé notre inspiration dans une initiative du quartier Centre-Sud de Montréal : Notre quartier nourricier.
Nous nous sommes beaucoup référés à un ouvrage : De l'école au jardin. Guide de jardinage pédagogique en milieu scolaire, de Carine Lévesque. C’est un ouvrage très détaillé qui aborde un ensemble de dimensions utiles à l'élaboration d'un projet de quartier nourricier.
Que peut-on souhaiter à la Ruche et au Quartier nourricier?
Actuellement, le grand défi, c’est de continuer à convaincre et à impliquer de plus en plus d’écoles, d’organismes communautaires et de citoyens. C’est en cours, mais il faut que cela continue.
Un des grands cadeaux qu'on pourrait nous faire, ce serait de convaincre Hydro Québec et la ville de Québec de nous permettre d’utiliser les espaces verts qui traversent notre quartier de bitume pour réaliser de nouveaux projets communautaires.
On peut nous souhaiter aussi de garder l’ambition que nous avons depuis le début, celle de faire de Vanier un quartier nourricier, même s’il semble le moins approprié pour cela, tout en gardant notre goût de l’expérimentation.
Enfin, je souhaite faire davantage connaître le projet de Quartier nourricier et qu’il puisse en inspirer d’autres.
Entrevue menée en décembre 2021
Notre soutien
à la Ruche
Vanier
Nous apportons notre soutien à la Ruche Vanier depuis 2017. Par son soutien, la Fondation entend contribuer à la réalisation du plan d’action de la Table de quartier dont l’objectif est d’améliorer la qualité de vie du quartier Vanier en engageant les citoyens dans le développement de leur communauté, en créant les conditions favorisant l’autonomie alimentaire du quartier et en renforçant le sentiment d’appartenance et de solidarité des résidents.
Quelques faits saillants
- Nombre d'habitants de Vanier 13 000
- Date de création de La Ruche Vanier 1978