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Mouvement Jeunes et santé mentale

Mission

Le Mouvement Jeunes et santé mentale (MJSM) lutte contre la médicalisation des problèmes sociaux. Il place la parole des jeunes et leurs savoirs au cœur de ses discours, de ses décisions et de ses actions.

Le MJSM est soutenu par le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec (RRASMQ), l’Association des groupes d’intervention en défense des droits en santé mentale du Québec (AGIDD-SMQ), le Regroupement des organismes communautaires de lutte au décrochage (ROCLD), le Regroupement des Auberges du cœur du Québec (RACQ) et le Regroupement des organismes communautaires autonomes jeunesse du Québec (ROCAJQ)


La médicalisation des jeunes : un enjeu de société

Entrevue avec:

  • Myriam Lepage-Lamazzi, coordonnatrice du Mouvement Jeunes et santé mentale
  • Émilie Roy, militante-fondatrice du Mouvement Jeunes et santé mentale
  • Yami, militant au Mouvement Jeunes et santé mentale depuis 2018

Depuis 2016, le Mouvement Jeunes et santé mentale (MJSM) rassemble des personnes de tous âges qui s’inquiètent de la santé mentale des jeunes et qui luttent contre la médicalisation de leurs difficultés.

La médicalisation, c’est le fait de « donner un caractère médical à quelque chose » (Multidictionnaire de la langue française). Dans le cas des jeunes, c’est leur souffrance psychologique et leurs émotions qui sont médicalisées, ce qui entraîne la médicamentation. Au Québec, la plupart des jeunes qui reçoivent un diagnostic psychiatrique reçoivent un ou des médicaments psychotropes, rapporte le MJSM, alors que d’autres approches non médicamenteuses pourraient être également efficaces, selon lui.

Rencontre avec trois passionnés pour qui le MJSM est plus pertinent que jamais en ces temps de crise.

Pouvez-vous nous décrire brièvement le MJSM?

Myriam Lepage-Lamazzi : La mission du MJSM est la lutte contre la médicalisation des problèmes sociaux des jeunes. C’est une réponse inadéquate aux véritables problèmes, ce qui fait en sorte que ceux-ci se perpétuent et empirent. Les jeunes devraient pouvoir avoir accès gratuitement à des services d’aide et de soutien psychosociaux à la place de la médication psychiatrique et avoir leur mot à dire sur toutes les questions qui les concernent. Les droits des jeunes — comme celui d’être informés — et le consentement doivent aussi être respectés et garantis pour tous les traitements liés à la santé mentale.

C’est pour rendre cela possible que la quatrième revendication du MJSM est la mise en place d’une commission sur la médicalisation des problèmes sociaux des jeunes.

Comment est né le Mouvement?

Émilie Roy : C’est né d’un cri du cœur ! Pendant le forum Pour un regard différent sur la santé mentale en 2016, nous avons été plusieurs jeunes à nous lever pour dire que nous voulions faire autre chose que témoigner. Nous voulions agir ! C’est allé très rapidement par la suite. Nous nous sommes réunis à nouveau en octobre 2016 à Drummondville. Nous avons travaillé sur une déclaration commune. C’est là qu’est né le MJSM.

Comment la pandémie de COVID-19 a-t-elle modifié les actions du MJSM?

Myriam Lepage-Lamazzi : La pandémie a mis nos activités en pause pendant un moment. Nous avons utilisé ce temps pour revoir la structure décisionnelle et apporter des changements dans notre mode de fonctionnement.

Émilie Roy : Cela nous a permis de redémarrer tranquillement après notre naissance « sur les chapeaux de roue ».

Est-ce que la pandémie de COVID-19 a exacerbé les problèmes de santé mentale des jeunes qui sont déjà médicamentés pour ces raisons?

Myriam Lepage-Lamazzi : Tout à fait. Les jeunes ont dû faire face à des enjeux supplémentaires dans toutes les sphères de leur vie. Par exemple, l’isolement en famille a été problématique pour certains. Dans d’autres cas, c’est la perte du soutien d’un professionnel pendant plusieurs mois qui a eu un impact.

Sur le plan scolaire, on remarque des enjeux majeurs dans la scolarité et la socialisation, notamment pour les cohortes qui ont fait le passage primaire-secondaire ou secondaire-cégep pendant la période en virtuel.

Il est également encore plus difficile d’obtenir des rendez-vous et des services qui conviennent, ce qui fait que c’est souvent impossible d’être accompagné. On sait que ce sont des situations qui causent beaucoup d’anxiété. Les rencontres sont rapides, des informations importantes peuvent être oubliées et mal comprises.

Combien de jeunes reçoivent chaque année une prescription de psychotropes au Québec?

Myriam Lepage-Lamazzi : Selon la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ), de 2019 à 2021, il y a eu une augmentation de 27 % des nouvelles prescriptions pour des antidépresseurs chez les jeunes de moins de 18 ans. Plus précisément, il y a eu une hausse de la consommation d’antidépresseurs de 85 % chez les Québécois âgés de 0 à 4 ans ; de 14 % chez ceux âgés de 5 à 9 ans ; de 31 % chez ceux de 10 à 14 ans (RAMQ, 2021).

Cela dit, les chiffres nous indiquent une tendance, mais ils ne sont pas suffisants pour avoir un bon portrait de la situation. Nous sommes encore dans la crise.

Qui sont ces jeunes en détresse psychologique ? Est-ce que certains sont plus à risque?

Émilie Roy : Tous les jeunes sont à risque ! Ce ne sont pas des catégories, des étiquettes, des diagnostics ou des statuts socioéconomiques qui définissent les jeunes. Chacun est une personne à part entière, et tous les jeunes ont été affectés par la pandémie.

Quand des médicaments sont prescrits à ces jeunes en détresse psychologique, les professionnels de la santé leur donnent-ils des explications ? Peuvent-ils refuser de prendre ces médicaments?

Yami : Il y a peu ou pas de possibilités de refuser. Notre point de vue n’est pas pris en compte. On nous donne peu de réponses ou d’informations sur la médication, nos droits et les alternatives.

Myriam Lepage-Lamazzi : Les jeunes qui savent ce qu’ils prennent et pourquoi représentent une minorité. Cela dit, on critique le système, non pas les professionnels de la santé. Ils n’ont souvent pas d’options devant une personne en crise. Il y a peu de services offerts, et les périodes d’attente sont longues. Dans le feu de l’action, la médication est la seule option proposée, et la détresse est trop grande pour refuser.

Ces jeunes médicamentés ont-ils droit à un suivi médical adéquat?

Myriam Lepage-Lamazzi : Étant donné les difficultés à avoir un médecin de famille au Québec, il peut être très difficile d’avoir un suivi adéquat pour les jeunes.

Un autre gros enjeu qui commence à émerger est l’absence de plan de traitement avec une fin. Comme les médecins sont souvent peu informés sur l’accoutumance et le sevrage que nécessite la prise de certains médicaments, ils favorisent souvent une prise en continu à long terme au lieu de la prise temporaire de ces médicaments.

Le problème n’est pas seulement en ce qui concerne le suivi médical. Il y a une absence de suivis d’autres types qui permettraient la diminution de la prise de médicaments.

Quels sont les effets à moyen et long terme de la médicalisation?

Myriam Lepage-Lamazzi : Ils sont très nombreux. Les jeunes sont souvent étiquetés et subissent une perte de crédibilité face aux figures d’autorité. Dans le système de santé, il y a une dévalorisation des autres expertises en dehors de celle des médecins. Ces derniers ne sont pas toujours adéquatement outillés pour répondre à ce genre d’enjeux. La société tend à médicaliser les aspects négatifs de la vie. On perd l’habitude de vivre et de voir des émotions négatives.

Au-delà du soutien psychologique, existe-t-il d’autres solutions pour apaiser les souffrances de ces jeunes?

Myriam Lepage-Lamazzi : Il faut plus de prévention et il faut s’attaquer aux inégalités sociales ! On doit normaliser socialement les moments difficiles — la détresse, le deuil, l’échec, etc. —, donner le temps aux jeunes de mieux comprendre ce qu’ils vivent et ce qui leur fait du bien.

Yami : Je pense qu’il faut plus prendre en considération le milieu de vie et les outils déjà utilisés par les jeunes : les services communautaires, les amis, etc. Et agir sur les causes de la détresse. Nous donner des pilules, c’est comme nous dire : « C’est toi, le problème. »

Émilie Roy : Il faut valoriser les options alternatives telles que le sport, les groupes de soutien, l’art-thérapie, la musicothérapie et la zoothérapie.

Avez-vous espoir pour ces jeunes en difficulté?

Émilie Roy : Pour toujours et à jamais ! Je me suis reconstruite à travers toutes mes épreuves. Mais est-ce nécessaire de passer à travers tout ça ? Ce serait bien d’avoir l’espoir que ça aille mieux. Pas seulement de s’en sortir.

Le mot de la fin...

Des initiatives qui vous inspirent? 

Émilie Roy : L’Étude longitudinale sur le devenir des jeunes placés au Québec et en France. Cette étude a été réalisée sur une période de six ans (de 2016 à 2022) auprès de jeunes placés avant, pendant et après leur transition vers la vie adulte. Un comité de jeunes qui ont été placés a participé à toutes les étapes de la recherche. Et la page Facebook Les porteurs d'espoir DPJ, créée par les jeunes du comité EDJEP, qui informe les jeunes de leurs droits et des initiatives qui existent spécifiquement pour eux.

Yami : Pour moi, c’est la Coalition Jeunes+, qui a comme objectif la prévention de l’itinérance et le respect des droits des jeunes. La Coalition se rapproche de MJSM. C’est un grand espace pour les jeunes.

Que peut-on vous souhaiter pour l’avenir?

Yami : Une supermobilisation et les moyens de joindre les jeunes.

Myriam Lepage-Lamazzi : Une jeunesse qui répond à l’appel, malgré le contexte difficile.

Émilie Roy : Et quatre revendications entendues !


Entrevue menée en février 2022


Notre soutien
au Mouvement
Jeunes et
santé mentale

La Fondation Chagnon apporte son soutien au Mouvement jeunes et santé mentale depuis 2019. Notre intention est de permettre au Mouvement de mener plusieurs projets de sensibilisation et d’éducation, de se structurer davantage et de trouver son mode de financement, d’encourager la participation des jeunes à la vie associative et de sensibiliser les décideurs afin d’influencer les pratiques, règles et politiques dans une visée de transformation sociale.

Quelques faits saillants

  • Le MJSM existe depuis 2016
  • Prescriptions d’antidépresseurs chez les - de 18 ans entre 2019 et 2021 (selon la RAMQ) + 27 %
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