Sommet socio-économique pour le développement des jeunes des communautés noires (SdesJ)
Mission
du SdesJ
Le Sommet socio-économique pour le développement des jeunes des communautés noires (SdesJ) rassemble des leaders des communautés noires et les têtes dirigeantes d’organismes communautaires. Ensemble, ils réalisent des projets pour que les jeunes Noirs et Noires puissent s’épanouir dans une société inclusive et développer leur plein potentiel. Ils cherchent également des solutions innovantes et durables à des problèmes qui touchent la communauté noire, comme le racisme systémique, la discrimination, le profilage racial, le chômage, le sous-emploi, le décrochage scolaire et la pauvreté.
Une société plus inclusive réclamée pour les jeunes des communautés noires
Entrevue avec Sandra Rabrun, directrice des opérations, des programmes et de l’administration du SdesJ
Mission
du SdesJ
Le Sommet socio-économique pour le développement des jeunes des communautés noires (SdesJ) rassemble des leaders des communautés noires et les têtes dirigeantes d’organismes communautaires. Ensemble, ils réalisent des projets pour que les jeunes Noirs et Noires puissent s’épanouir dans une société inclusive et développer leur plein potentiel. Ils cherchent également des solutions innovantes et durables à des problèmes qui touchent la communauté noire, comme le racisme systémique, la discrimination, le profilage racial, le chômage, le sous-emploi, le décrochage scolaire et la pauvreté.
Au Canada, pas moins de 63 % des membres des communautés noires affirmaient en 2020 avoir été victimes de discrimination au cours des cinq années précédentes, indique Statistique Canada.
Le Sommet socio-économique pour le développement des jeunes des communautés noires (SdesJ), qui a vu le jour en 2017, entend endiguer ce phénomène au Québec, particulièrement pour la jeunesse, à qui ses membres souhaitent offrir une société plus juste et plus inclusive.
Discussion sur le Québec de demain avec une passionnée du genre humain.
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots?
Canadienne d’origine haïtienne, je suis maman, amie, bâtisseuse et poète. Je suis également une éternelle apprenante qui croit que les humains peuvent rêver, bâtir et vivre ensemble.
Je détiens un baccalauréat en économie de marché, et je termine une maîtrise à l’École nationale d’administration publique en développement des organisations et des ressources humaines. En 2017, j’ai fondé à Montréal Passerelle Productions, une entreprise d’économie sociale et, en juillet 2018, je me suis jointe au SdesJ, qui est un organisme formidable, dont la mission s’accorde avec mes combats et mes valeurs.
Qu’aimez-vous de votre métier?
C’est la pluralité des avenues qui m’interpelle, qui m’habite et qui me nourrit. J’aime partir de zéro, construire, rencontrer des gens et voir comment nous sommes différents, mais en même temps complémentaires.
Comment décririez-vous brièvement le Sommet socio-économique pour le développement des jeunes des communautés noires (SdesJ)?
Le Sommet est un regroupement d’une cinquantaine d’organismes, dont la mission est de contribuer à l’essor économique et social du Québec. Nous mettons en œuvre des projets et des activités qui répondent de manière concrète aux besoins des jeunes, particulièrement celles et ceux des communautés noires, en collaboration avec les organismes partenaires.
La pandémie de COVID-19 a-t-elle modifié les actions du SdesJ?
Oui, la pandémie a modifié nos actions. Il y a des projets qui ont dû être stoppés, le temps qu’on puisse s’adapter, réapprendre à travailler, développer de nouvelles aptitudes et de nouvelles habitudes. Il y avait tellement d’inconnu. Tout le monde devait prendre une pause pour pouvoir se réajuster.
Nos équipes ont été très agiles, que ce soit celle du Sommet pour répondre à de nouvelles exigences, ou celles des collaborateurs, des collaboratrices et des organismes membres, comme les bailleurs de fonds et les bénévoles. Avant, le Sommet n’offrait pas de services directs aux bénéficiaires. Ce sont nos partenaires qui les rencontraient. Avec le Projet 4C (Communauté connectée contre la Covid-19), qui a émergé pendant la pandémie, nous avons dû établir un contact direct avec les bénéficiaires, ce qui était une tout autre aventure.
La pandémie a causé beaucoup de torts. Il y a des familles qui sont détruites. C’est une plaie ouverte, mais au-delà de cela, la pandémie a fait émerger une solidarité et une humanité auxquelles on ne s’attendait pas. Dans un premier temps, il a fallu se protéger, mais nous voulions aussi aider l’autre à s’outiller pour se protéger. Alors, pendant la crise sanitaire, nous avons été paradoxalement un peu plus proches.
Quels sont les principaux problèmes socioéconomiques auxquels sont confrontées les communautés noires au Québec?
Nous avons beaucoup de défis. Premièrement, quand on parle des communautés noires, on voudrait que cela soit clair qu’il est question des personnes noires. On a souvent tendance à parler de la diversité ou des minorités visibles, ce qui nous porte préjudice dans les approches ou les tentatives de solution. Voir les enjeux de manière englobante risque de produire des réponses tout aussi englobantes. La réalité est tout autre. Quand on regarde dans les interstices, on comprend qu’il y a des biais et des particularités réelles qui ne sont pas considérés.
Deuxièmement, on a remarqué une sous-représentativité des communautés noires non seulement dans les facultés de médecine, mais aussi dans les postes décisionnels chez les grands employeurs, notamment les organismes publics.
Malheureusement, il y a une surreprésentation des communautés noires dans le système carcéral ainsi que dans les services de la Direction de la protection de la jeunesse. Le profilage racial et la brutalité policière à l’égard des jeunes Noirs posent aussi problème. Il y a également un manque de logements décents, et le taux de décrochage scolaire est très élevé.
Racisme systémique
Selon vous, qu'est-ce que le racisme systémique?
Je n’ai pas une définition coulée dans le béton, mais on comprend ce concept quand on le vit. C’est un ensemble de réflexes inconscients qui sont développés de manière collective et qui font en sorte qu’on refuse une opportunité à un individu sur la seule base de la couleur de sa peau. C’est sournois et ancré dans les institutions. Parfois, on n’arrive même pas à mettre des mots dessus et, souvent, l’autre perpétue les torts sans s’en rendre compte.
Pourquoi est-ce difficile de reconnaitre l'existence du racisme systémique?
C’est la peur de généraliser, d’accuser toute la société d’être raciste. Quand on parle de racisme systémique, on parle des institutions, de l’État. Si on le nomme, c’est comme l’accepter, c’est comme lui donner vie. Pourtant, le racisme systémique ne veut pas dire que toute la société est raciste.
Dans quelle mesure la mort de George Floyd, survenue aux États-Unis en mai 2020, a-t-elle permis de mettre en lumière la discrimination dont sont victimes les communautés noires au Québec?
La mort de George Floyd a été tellement crue qu’on ne pouvait pas fermer les yeux. Ce n’est pas la première fois que des personnes noires sont victimes de brutalité, mais avec Internet, malheureusement, on la voit. Cet événement a été mobilisateur partout dans le monde. Il a incité des gens à investir l’espace public pour dire oui, il y a aussi du racisme ici, et c’est inacceptable. Des institutions, des organismes, des communautés noires et des personnes engagées ont exigé des autorités gouvernementales des actions concrètes en faveur des communautés noires.
À la suite de cet événement tragique, le gouvernement du Québec a créé le Groupe d’action contre le racisme. Qu’avez-vous pensé de son rapport déposé en décembre 2020 ?
Il y a eu des recommandations, mais jusqu’à présent, il n’y a rien de concret dans la réponse gouvernementale. Il y a encore du travail à accomplir pour faire en sorte que ce ne soit pas un rapport de plus. D’autant que, pour nous, ce rapport est incomplet.
Selon vous, pourquoi le mot « noir » n’est-il pas inscrit dans ce rapport ?
Une prudence de trop. C’était dans la même logique que j’expliquais plus tôt : ne pas nommer pour ne pas donner vie. Comme le mot « noir » suscite la polémique, on a voulu saupoudrer au lieu d’aller réellement dans la plaie.
Il y a 200 ans d’histoire de l’esclavage qu’on veut effacer et le mot « noir » y fait référence. C’est pour cela qu’il y a toute cette prudence autour du mot. C’est faire du tort aux générations présentes et futures. Il faut apprendre à nommer les maux et à utiliser les mots avec respect, pas avec un discours de haine ou de vengeance, mais avec un désir réel de réparation et de justice sociale. Je crois que c’est ainsi qu’on construit une société juste et équitable. Aussi longtemps qu’on ne prononcera pas les mots, les solutions ne donneront pas les résultats escomptés. On peut embellir les souvenirs, mais on ne peut effacer les faits. Et l’histoire est constituée de faits. En omettant d’écrire le mot « noir » dans ce rapport, le Québec a raté un rendez-vous avec l’Histoire.
Observatoire des communautés noires du Québec
L’Observatoire des communautés noires du Québec a vu le jour en juin 2021. Pourquoi sa création était-elle nécessaire ?
Il y a beaucoup d’experts des communautés noires, sauf nous, pour paraphraser Docteure Désirée Rochat. Nous ne sommes pas experts de nous-mêmes. Il y a des études et des recherches qui ont été faites sur les communautés noires, mais majoritairement par des personnes extérieures à nos réalités, avec des regards et des biais extérieurs. Dans les communautés noires, nous sommes pourtant conscients de nos acquis et de nos besoins. Nous voulons être en mesure de dire ce que nous faisons, ce que nous voulons réaliser. Nous voulons mettre nos bonnes pratiques en commun, proposer des solutions répondant à nos besoins réels et donner une lecture juste nous concernant. C’est tout cela qui a animé la création de l’Observatoire.
Dans quelle mesure les travaux de l’Observatoire sont-ils complémentaires des actions du SdesJ ?
Le Sommet est un interlocuteur et un acteur de transformation sociale. L’Observatoire est son bras de recherche. Il nous permet de documenter les actions du Sommet, de concevoir des projets destinés à améliorer les conditions de vie des communautés noires et d’avoir un meilleur portrait de celles-ci.
Le SdesJ envisage-t-il de collaborer avec d’autres groupes racisés pour faire avancer sa cause?
Oui. Tout à fait. Nous voulons collaborer avec d’autres groupes racisés et des groupes qui ne sont pas racisés pour pouvoir mieux aborder les enjeux et apporter des réponses innovantes ensemble. Le travail du Sommet, c’est aussi participer à l’amélioration de la vie sociale et économique du Québec. Si nos jeunes progressent, c’est tout le Québec qui en sera le plus grand bénéficiaire.
Avez-vous espoir pour les communautés noires au Québec?
Oui. Dans chacune de mes actions, je travaille à planter la graine de cet espoir. Comme dans la chanson de Corneille, nous sommes « avec ou sans papiers, des marchands de rêve ». Cet espoir se situe aussi dans chaque progrès réalisé ces dernières années, bien que les acquis ne soient pas définitifs. Nous allons continuer à planter la semence en croyant en un Québec équitable pour toutes et tous.
Le mot de la fin
Une initiative inspirante ?
Le Projet 4C (Communauté connectée contre la COVID-19) du SdesJ. La pandémie a précisé la fracture numérique dans les communautés noires, et le Sommet a réagi vite et bien. Nous avons développé un projet allant bien au-delà d’un simple don d’ordinateur à des familles. Nous les accompagnons pendant une année et nous avons fourni au besoin le service Internet et une formation sur la cybersécurité. Aujourd’hui, toute une escouade multilingue est au service de plus de 5000 jeunes. Et d’autres groupes ont pu bénéficier de ce projet, comme les organismes partenaires ainsi que des personnes âgées. La beauté de ce projet réside surtout dans son agilité.
En dehors du Sommet, je voudrais dire ici mon respect et mon affection pour le Fonds 1804 pour la persévérance scolaire. Il donne des bourses à des jeunes de toutes origines pour les récompenser de leurs efforts scolaires. Ce sont des personnes noires qui ont lancé ce projet et qui sont majoritairement donatrices.
Une œuvre à conseiller pour en savoir plus sur la réalité des communautés noires au Québec (balado, documentaire, livre, etc.) ?
Le livre NoirEs sous surveillance de Robyn Maynard, aux éditions Mémoire d’encrier. Après l’avoir lu, une personne pourra nommer et comprendre l’histoire du racisme anti-Noirs.
Que peut-on vous souhaiter pour l’avenir ?
(Rires.) Quand il s’agit de choses sérieuses, je ne fais pas de souhaits. Je me fixe des objectifs et je me donne les moyens de les atteindre. Coconstruire un Québec inclusif est l’un de mes objectifs. Pour éviter que nos enfants aient à prendre les rues pour dénoncer la brutalité policière. Pour qu’une personne noire ne soit pas aux abois parce que l’accès à un logement ou à un poste de direction lui a été refusé sur la base de la couleur de sa peau. C’est cet avenir que je me plais à bâtir avec mes pairs chaque jour.
Entrevue menée en avril 2022
Notre soutien
au SdesJ
La Fondation Chagnon apporte son soutien au Sommet socio-économique des jeunes des communautés noires depuis 2019, principalement dans le cadre de son projet d’Observatoire. La mise sur pied de l’Observatoire des communautés noires du Québec a pour but de mieux documenter les enjeux vécus par les jeunes des communautés noires et, surtout, de proposer des solutions concrètes aux défis qu’ils ou elles rencontrent. Une première au Québec et au Canada. Ses principaux champs d'intervention comprennent : la recherche, le soutien aux organismes communautaires œuvrant avec les jeunes des communautés noires, la mobilisation de divers acteurs pour favoriser la collaboration ainsi que la communication pour favoriser l'accessibilité et une circulation large de la connaissance.
Quelques faits saillants
- Les communautés noires du Québec comptent près de 320 000 personnes
- Le taux d’emploi est inférieur à l'ensemble de la population 59,0% vs 60,4%
- Le taux de chômage est près de deux fois plus élevé 13,5% vs 7,0%