Agir ensemble et de façon durable pour le développement des enfants
Les Assises annuelles de l'Union des municipalités du Québec (UMQ) sont un rendez-vous annuel incontournable pour le milieu municipal réunissant, cette année du 21 au 23 mai, plus de 1 200 élues et élus, cadres municipaux et partenaires de toutes les régions du Québec.
Dans le cadre de cet événement, monsieur Claude Chagnon, président de la Fondation Lucie et André Chagnon, est intervenu à titre de conférencier dans le cadre d'un atelier posant la question suivante : Comment votre municipalité peut-elle participer au développement global de l'enfant?
(La prestation peut différer du texte)
Le 22 mai 2015
Mesdames, Messieurs,
Bonjour,
Je suis très heureux de participer aux Assises annuelles de l'Union des municipalités du Québec et, plus particulièrement à cet atelier qui illustre la volonté du milieu municipal de contribuer de façon active au développement des enfants.
La tenue d'un tel atelier me permet de croire que nous partageons la conviction qu'agir ensemble en faveur de leur développement est un gage de prévention et de retombées positives tant sur le plan social qu'économique.
Ce matin, j'aimerais vous rappeler brièvement ce en quoi nous croyons à la Fondation Chagnon, et insister sur certains principes que nous devons garder en tête pour atteindre nos objectifs.
Mon intervention mettra l'accent sur 3 aspects qui devraient sous-tendre l'action municipale:
1. Agir localement et ensemble,
2. Agir de façon durable,
3. Allier l'économique et le social.
Agir localement et ensemble
Agir de par votre proximité avec les citoyens, la connaissance de votre territoire ainsi que celle des services, des organismes et des institutions qui l'animent. Pourquoi ?
Parce que :
- Vous avez en main le potentiel de développer une vision concertée des besoins avec l'ensemble de votre communauté;
Et parce que :
- Vous avez le potentiel d'agir sur les conditions de vie et le développement des enfants.
En somme :
- Vous avez la capacité d'agir directement dans les milieux où les enfants vivent, grandissent, jouent et se développent.
C'est d'ailleurs en partant de ce principe que nous avons choisi, à la Fondation, de soutenir la mobilisation des communautés, particulièrement en milieux défavorisés, pour mener à bien notre mission qui est de prévenir la pauvreté en misant sur le développement des jeunes enfants et sur leur réussite éducative.
Dans cette optique, dès 2002, la Fondation et le Gouvernement du Québec ont mis sur pied 3 partenariats visant, entre autres, à soutenir la concertation locale et régionale d'acteurs provenant des services de garde, des milieux scolaire et municipal, d'organismes communautaires et du secteur économique. Je parle évidemment de Québec en Forme, d'Avenir d'enfants et de Réunir Réussir.
Le chemin parcouru est considérable et nous en sommes très fiers.
Pour illustrer leurs actions, j'aimerais vous parler d'un Regroupement de partenaires soutenu à la fois par Avenir d'enfants et par Québec en forme : il s'agit D'Autray en forme qui rejoint près de 1650 enfants dans la région de Lanaudière.
D'Autray en forme, c'est plus de 30 organisations de la MRC D'Autray qui travaillent pour améliorer le développement global et la qualité de vie des jeunes de 0 à 17 ans et de leurs familles. De nombreuses municipalités figurent au nombre de ses partenaires (Lavaltrie, Berthierville, Lanoraie, Saint-Barthélemy, Saint-Cuthbert, Saint-Norbert, Saint-Gabriel, Mandeville et St-Didace)
Que ce soit par le partage de leurs infrastructures ou par l'utilisation de leurs canaux de communication pour publiciser les actions des autres partenaires, les municipalités sont impliquées, mais tentent de trouver de quelle façon elles pourraient l'être davantage. Cette réflexion porte fruit.
La preuve : la municipalité de Mandeville a pris en charge le projet La voix des parents sur le territoire afin de mieux connaître et soutenir les familles de sa communauté et Saint-Gabriel est accréditée Municipalité amie des enfants.
De plus, le regroupement a la possibilité, une fois par année, d'aller rencontrer les élus de la MRC à la Table des maires afin de leur faire connaître les projets en cours et de les sensibiliser aux objectifs poursuivis par les partenaires.
Ce sont des objectifs ambitieux, mais plus faciles à atteindre lorsque tous les acteurs sur le terrain mettent l'épaule à la roue.
Pour illustrer mon propos et l'importance d'agir localement, ensemble et dans un esprit de dialogue et d'ouverture, j'aimerais prendre l'exemple de la Ville de Gatineau.
La Ville de Gatineau s'est dotée, en décembre 2010, d'une Politique de développement social visant à soutenir les efforts de tous les partenaires de la Ville qui travaillent à mettre en place un développement non seulement durable, mais également humain.
De nombreux partenaires ont participé à cette démarche : la Commission Gatineau, Ville en santé, les organismes communautaires, publics et privés, les employés municipaux ainsi que les citoyens.
Dans le Bilan annuel 2013 de la Politique de développement social, on y souligne que « la politique de développement social serait perçue comme la clé de voûte favorisant la convergence des actions entre les services municipaux et l'ensemble des partenaires du développement social ».
Plus récemment, la Ville de Gatineau vient de consulter, ce mois-ci, sa population pour élaborer le Plan d'action 2016-2018 de sa Politique de développement social sur des sujets aussi divers que les quartiers, le logement, le transport, la santé et le bien-être, l'éducation et le soutien à l'action communautaire.
Voilà qui en dit long…
Agir de façon durable
Cette « convergence des actions » passe par une volonté de faire tomber les silos, d'harmoniser les services offerts aux enfants et aux familles. Vous avez cette proximité qui vous permet de faire évoluer et d'adapter ces services au rythme des nouveaux modes de vie et des nouvelles réalités que vivent les familles et enfants de vos quartiers.
À l'écoute de leurs citoyens, et de par leur statut, les villes et les municipalités sont pragmatiques et prédisposées à l'action. Elles ont la capacité de mobiliser et peuvent faire levier à bien des égards.
Au-delà des services offerts, je pense notamment à l'aménagement, à l'harmonisation et à la coordination des environnements mis à la disposition des enfants et des familles. Bref, penser et agir « services - institutions - communauté ».
Je voudrais vous citer un proverbe de Boukar Diouf que j'aime reprendre à mon compte: « Je suis ce que je suis à cause de ce que nous sommes tous ».
L'environnement dans lequel nous vivons nous définit. Cet environnement est façonné par ses habitants, ses enfants, leurs familles… C'est ce qui fait la particularité d'un quartier, d'une municipalité ou d'une région, qu'ils soient prospères ou défavorisés.
Comme élus, vous avez le pouvoir de mettre en place des mécanismes de concertation favorisant des changements qui doivent s'inscrire dans la durée pour porter fruit. En d'autres termes, les changements durables souhaités collectivement doivent s'ancrer à l'échelle humaine et dans les milieux, pas seulement dans des textes de lois, aussi importants soient-ils. Les gestes posés doivent s'inscrire dans la continuité et dans une perspective à long terme.
Exemple d'Alma
On dit souvent qu'une image vaut mille mots. En voici une qui illustre, dans la région d'Alma au Lac-St-Jean, l'évolution des efforts de mobilisation visant à encourager la persévérance et réussite scolaires.
Dans ce cas-ci, les codes de couleurs témoignent de l'évolution du taux de diplomation après 7 ans au secondaire par secteur géographique, chez les garçons.
Pour le secteur d'Alma (situé au centre de la carte) il est intéressant de noter que le taux de diplomation a augmenté en 10 ans de près de 8%, et ce sans jamais fléchir.
À l'opposé, le taux de diplomation du secteur Nord a connu une augmentation fulgurante (près de 20%) de 1996 à 2003 pour ensuite fléchir de plus de 12% jusqu'en 2008.
Ce qui se dégage de cette carte produite par le Groupe ÉCOBES, c'est qu'il y a eu une continuité dans l'effort de mobilisation dans le secteur d'Alma et donc une évolution positive et constante du taux de diplomation. À l'inverse, le Secteur Nord a vu fléchir son taux au moment où il y aurait eu un certain relâchement de la mobilisation.
Cette carte illustre donc l'importance de maintenir et d'inscrire dans la durée l'effort de mobilisation pour ne pas perdre les acquis.
Allier l'économique et le social
À ces efforts de mobilisation, et dans une perspective de pérennité des actions, j'ajouterais à cela l'importance d'allier l'économique et le social aux projets de développement des communautés.
On n'en parle pas forcément, mais nombreuses sont les entreprises qui s'impliquent socialement dans leur communauté. Vous avez sans doute des exemples en tête.
À cet égard, j'aimerais vous parler de Gaz Métro dont le siège social se trouve dans le Centre-Sud de Montréal, un des quartiers les plus pauvres du Canada. L'objectif de l'entreprise dans son engagement communautaire est d'atteindre la norme Imagine, soit que 1 % de son bénéfice net soit retourné à la communauté. Gaz Métro fait partie des organismes fondateurs d'un projet unique, la Ruelle de l'Avenir qui offre aujourd'hui un lieu d'apprentissage pour 1200 jeunes du préscolaire, du primaire et du secondaire des quartiers Centre-Sud et Hochelaga-Maisonneuve.
Certes, Gaz Métro est une grande compagnie avec beaucoup de moyens, mais l'engagement communautaire n'est pas seulement une question de gros sous. Pour vouloir investir, il faut d'abord vouloir s'investir. Mettre à contribution cet enracinement dans la communauté au profit des citoyens qui l'habitent.
À une plus petite échelle, j'ai en tête l'exemple d'une petite boutique de quartier à Montréal dont l'activité principale est la vente de vêtement pour enfants, mais qui offre également des activités : Comptines pour les 0-2 ans, heure du conte pour les 2 à 6 ans, cours de secourisme pour bébés et enfants ou cours de massage pour bébé…
Ces initiatives très locales émergent et témoignent de la volonté de certains représentants du monde économique d'être partie prenante de la sphère sociale.
En favorisant l'interaction et l'effet de levier entre l'économique et le social, les villes ont la possibilité d'induire des changements durables, mais pour ce faire, une condition m'apparaît essentielle: que nous fassions tomber les silos.
En conclusion
En ce moment, nous discutons beaucoup des structures, des mesures et des programmes publics qui touchent à la petite enfance, à la famille, à l'éducation, à la prévention ainsi qu'au développement social et collectif.
Je ne veux pas remettre en question la nécessité de revoir nos dépenses publiques afin de mieux les contrôler tout en demeurant efficaces.
Mais il y a une chose dont je suis sûr : l'argent et les ressources consacrés à la petite enfance, à l'éducation et au développement des capacités d'agir des milieux, particulièrement des milieux défavorisés, sont des investissements judicieux pour notre société... nos villes et nos municipalités. Judicieux, car ils contribuent à relever ce grand défi collectif de la réduction des inégalités sociales.
À la Fondation, nous sommes conscients de ce contexte. Toutefois, quelles que soient les responsabilités qui incomberont à l'avenir aux élus municipaux, j'aimerais juste les sensibiliser à :
- L'importance du développement social et du milieu de vie comme facteur soutenant le développement économique;
- La nécessité d'agir en prévention comme facteur de persévérance et de réussite éducative;
- L'importance de la diplomation et la formation qualifiante pour répondre aux besoins des entreprises et, au plan humain, éviter les parcours conduisant à la pauvreté;
- La complémentarité des partenaires communautaires, institutionnels que municipaux pour mener à bien une action commune.
En somme, le développement d'une ville favorable aux familles et aux enfants s'inscrit de plus en plus dans une dynamique de responsabilisation des élus locaux, d'où l'importance de faire les bons choix pour le court, le moyen et le long terme. Je vois cela comme une occasion à saisir pour les villes et municipalités du Québec.
Pourquoi ?
Parce que nous croyons à cette équation :
Agir tôt + Agir ensemble + Agir de façon durable.
Et parce que les municipalités que vous représentez constituent une variable incontournable de cette équation.
Merci.